1975 : 1ère thèse soutenue au CEMEF

Lancement d’une nouvelle série de billets dans ce blog !
Quelles sont les grandes premières qu’a connues le CEMEF pendant ses quarante ans d’existence ?

Voici le premier billet de ce thème et quoi de plus normal que de le dédier à la première thèse soutenue au CEMEF.

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Jean-Marc Haudin a été le premier à soutenir sa thèse dans le cadre du CEMEF.

En bref :

Date de soutenance 13 octobre 1975
Lieu École de Chimie de Paris*
Délivrance Doctorat d’État ès-Sciences Physiques de l’Université de Paris Sud (Orsay)**
Titre Étude par microscopie et microdiffraction électroniques de la martensite et des phases précipitées (NiAl et phase R) au cours du revenu d’un acier inoxydable austéno-martensitique contenant de la ferrite δ (acier à 15% Cr, 7% Ni, 2% Mo, 1% Al de type Z8 CND 15). Conséquences sur les propriétés mécaniques.

*La soutenance a lieu à l’École de Chimie de Paris pour répondre à la demande de son Président de jury, André Guinier.
**Les universités étaient à l’époque les seules habilitées à délivrer le doctorat d’état.


Thèse dans le domaine de la Métallurgie Physique, et plus particulièrement de la structure des aciers inoxydables, elle démarre en octobre 1968 au sein du Centre de Recherches Métallurgiques de l’École des Mines de Paris qui deviendra Laboratoire de Métallurgie en 1972, et sera intégré au CEMEF à sa création en 1974.

» Les débuts du CEMEF sont racontés dans une interview de Jean-Marc Haudin sur ce blog.

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« Comme beaucoup de Doctorats d’État à l’époque, il s’agissait d’une œuvre de longue haleine, dont la durée semble peu concevable de nos jours. » constate Jean-Marc et de préciser : « les deux dernières années ont été des “années blanches” car en 1973-74, j’effectue une année de service militaire en tant qu’affecté scientifique au Laboratoire de Métallurgie de la SNECMA (Corbeil) et en octobre 1974, je prends la responsabilité dans le tout nouveau CEMEF du groupe sur la Cristallisation des Polymères, domaine totalement nouveau pour moi ! Je dois quand même dire que les compétences acquises en Physique des Matériaux ont été précieuses pour aborder ce nouveau domaine et apporter un regard neuf sur le sujet. »

Contexte et objectif

« Comme je l’ai dit : le Doctorat d’État était par nature une œuvre académique. Mais la métallurgie ayant pour but de produire et d’étudier des matériaux réels, mon travail s’est inscrit dans un cadre industriel, celui des aciers inoxydables à hautes performances. Il a d’ailleurs reçu un soutien financier de l’IRSID (Institut de Recherches de la Sidérurgie Française). »

Pour répondre aux besoins sans cesse croissants de l’industrie aéronautique, les fabricants d’acier ont cherché à mettre au point des aciers inoxydables de mise en forme facile, soudables, et possédant des caractéristiques mécaniques élevées (en particulier, une haute limite élastique), qu’ils pourraient conserver jusqu’à environ 400 °C. Leurs recherches ont abouti à la création des aciers austéno-martensitiques à durcissement structural, dans lesquels on tire parti à la fois de la bonne ductilité de l’austénite et des caractéristiques mécaniques élevées de la martensite. Dans ce type d’acier, les opérations de mise en forme sont effectuées dans l’état austénitique, obtenu après un traitement d’hypertrempe. Le durcissement de l’alliage est ensuite réalisé au moyen des deux processus suivants : la transformation martensitique et la précipitation au sein de la martensite de phases finement dispersées.

These_JMH_micrographie.png Les légendes des images sont affichées en les survolant à la souris.

« Le but de ma thèse était de préciser, à l’aide de la microscopie électronique en transmission (MET), les mécanismes de ce durcissement dans le cas d’un acier industriel de composition 15% Cr, 7% Ni, 2% Mo, 1% Al et 0,07% C. Elle a porté essentiellement sur les points suivants :

  • l’étude de la microstructure de la phase martensitique,
  • la compréhension des mécanismes de précipitation, qui se produisent lors d’un traitement de vieillissement. »

Cette étude a conduit à une meilleure connaissance de la nature, de la morphologie et de la répartition des phases présentes dans un acier austéno-martensitique à durcissement structural après les différents traitements thermiques qu’il subit. Elle a permis de préciser l’influence de chaque constituant sur l’évolution des propriétés mécaniques.

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Résumé de la thèse

Pour obtenir une transformation martensitique aussi complète que possible, on a eu recours à un traitement de déstabilisation de l’austénite, suivi d’un traitement de réfrigération. L’étude par MET de la microstructure de la martensite a permis de la décrire à différents niveaux :

  • la latte, élément de base, ayant en gros la forme d’un parallélépipède,
  • le bloc, constitué par l’accolement de lattes parallèles, ayant la même orientation à quelques degrés près,
  • le paquet, réunion de blocs voisins, entre lesquels existent des relations d’orientation bien définies, le plan d’accolement entre blocs étant parallèle au plan d’accolement entre lattes.

Ces observations ont permis de préciser le mécanisme de la transformation martensitique.
Le durcissement de la martensite, ainsi que de la ferrite δ initialement présente (environ 25% en volume), a été réalisé grâce à un traitement de vieillissement à 500, 550 ou 600 °C. Les phénomènes suivants ont été mis en évidence :

  • La précipitation de phases durcissantes

- précipitation du composé intermétallique NiAl, sous la forme de particules sphériques et cohérentes, uniformément réparties dans les phases martensitique et ferritique. Le durcissement optimal par ce précipité correspond à une valeur de 1370 MPa de la limite élastique.
- précipitation dans la ferrite δ de la phase R, formée de fer, chrome et molybdène, qui n’avait jamais été identifiée dans ce type d’acier. La phase R précipite d’abord sur les dislocations : c’est le phénomène de « décoration » des dislocations. On a mis au point un critère permettant d’identifier la décoration sur les images de MET : les dislocations décorées présentent des images dédoublées et élargies. Les contrastes observés ont été interprétés à l’aide d’un modèle théorique, qui a permis de simuler sur ordinateur les images de dislocations décorées.

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Pour des vieillissements prolongés, la précipitation évolue vers un faciès en lamelles et en plaquettes, présentant des relations d’orientation avec la matrice ferritique.
La précipitation de la phase R est responsable d’un second maximum sur la courbe d’évolution de la limite élastique en fonction du temps de vieillissement à 500 °C. Ce maximum est associé à la présence de précipités petits et cohérents, mise en évidence par des dédoublements des images des dislocations.

  • La réversion de la martensite en austénite

Aux températures considérées commence également la réversion de la martensite en austénite. Peu importante à 500 °C, ce phénomène prend une certaine ampleur à 550 et surtout à 600 °C. Les plages d’austénite de réversion sont stables à la température ambiante et ont des relations d’orientation avec la martensite vieillie. Le composé NiAl est remis en solution dans l’austénite. D’autre part, le carbure M23C6 précipite aux interfaces entre martensite et austénite de réversion.
La réversion est responsable, avec la coalescence des précipités NiAl, de la diminution des caractéristiques mécaniques constatée lors d’un survieillissement. Elle entraîne en outre une augmentation de la ductilité, surtout dans le cas d’un vieillissement à 600 °C.

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