C’est un sacré challenge à 28 ans ! Et je l’accepte.
Le CEMEF est officiellement créé le 1er octobre 1974. Jean-Marc démarre son groupe avec 4 chercheurs plus l’aide d’un technicien en Microscopie Électronique en Transmission (MET) qui fera toute sa carrière au CEMEF, Michel-Yves Perrin, et d’un technicien en rayons X, Daniel Pachoutinsky, qui accompagnera le CEMEF quelques années, puis intègrera le Centre des Matériaux.
Le 2 octobre 1974, est organisée la réunion de constitution du CEMEF. Pierre Baqué, qui en devient le directeur, présente sa vision, très claire dès le début, avec trois axes :
- la façon dont la matière s’écoule,
- l’interaction avec les outils,
- le comportement interne de la matière.
Dans le cas des polymères, cela correspondait à des voies qui n’existaient pas encore en France :
- appliquer la Mécanique des Milieux Continus à l’étude de la thermomécanique des procédés de mise en forme. Cet aspect est d’abord piloté par Pierre Avenas lui-même, puis pris en charge par Jean-François Agassant.
- appliquer les concepts et les méthodes de la Métallurgie Physique à l’étude des relations mise en forme-structure-propriétés dans les polymères semi-cristallins. C’est la mission du groupe de Jean-Marc Haudin.
C’était très original à l’époque et innovant, le domaine des polymères en France étant aux mains des chimistes et des physico-chimistes.
À sa création, en 1974, le centre est éclaté géographiquement entre les locaux de l’École des Mines de Paris (Bd Saint Michel) et ceux de l’ENSTA (Bd Victor). Les équipes ont des passés et des « folklores » différents. Les personnels situés à l’École des Mines sont parfois tiraillés entre leurs missions nouvelles et des tâches d’enseignement héritées du passé. L’avantage de Sophia Antipolis sera de rassembler toutes les équipes dans un lieu unique. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Comme le dit Jean-Marc, à l’école, on entendait parler du projet de technopole sur Sophia Antipolis depuis le milieu des années 60, de façon un peu sarcastique ou humoristique. Puis le projet a pris corps, mais rien n’était clair sur qui déménagerait. Jean-Marc en rit, il raconte : j’ai appris que le CEMEF irait s’installer là-bas par une fuite. C’est un collègue qui, croisant Frank Montheillet dans la rue, lui lance « Alors il paraît que vous partez à Sophia Antipolis ». L’information sera confirmée par Pierre Baqué et les réunions collectives commenceront.
Toutes les machines dont disposait le CEMEF à Paris feront le déménagement. La machine de torsion actuelle a encore le squelette des débuts parisiens. Les équipes descendent et s’installent dans les nouveaux locaux en octobre 1976. L’espace comprend un bâtiment classique pour les bureaux et les manips simples et une halle d’essais. A l’arrivée, l’électricité dans les bâtiments n’est pas terminée, les finitions non plus. Le microscope électronique doit être entreposé quelque temps dans un parking souterrain de l’autre côté de la rue. Les générateurs de rayons X sont posés sur le sol et on met le carrelage autour. La dalle de béton de la halle d’essais est cassée plusieurs fois pour non-conformité. On avait vraiment l’impression d’être des pionniers. Tout était à faire. Pierre Avenas avait pris la tête du labo, Pierre Baqué ayant décidé de ne pas venir dans le sud. Il a géré avec enthousiasme cette arrivée dans la terre promise.
Son aventure CEMEF
En 1974, il démarre son groupe polymère, monte des projets de recherche avec l’industrie, sous les bons auspices de Pierre Avenas, qui supervise les activités Polymères.
En 1975, la toute fraîche équipe de Jean-Marc organise son premier séminaire industriel sur la Cristallisation des Polymères. C’est la logique du centre à ses débuts, offrir des séminaires de formation continue d’une semaine à l’industrie sur des sujets pointus. Jean-Marc en convient, c’était très fédérateur, tout le monde était impliqué. Pierre Baqué avait lancé des cours d’expression orale pour apprendre aux chercheurs à être bons dans leurs présentations. En 1979, c’est le début d’une nouvelle ère, avec le départ de Pierre Avenas au Ministère de l’Industrie.
La décennie 1980-90 est son âge d’or de recherche. J’avais une bonne équipe qui faisait du bon boulot, de bonnes publications sur des thématiques nouvelles :
- cinétique de croissance des polymères,
- modélisation de la cristallisation dans des films minces,
- développement de matériaux à base de cellulose qui a le vent en poupe aujourd’hui,
- forgeage des polymères, c’était une niche, l’idée était de réaliser des pièces, par exemple des prothèses de hanche, avec ce procédé très classique côté métaux mais beaucoup moins en polymères, le CEMEF a eu plusieurs contrats, thèses ou brevets sur le sujet.
Il en retient ceci on ne s’en rendait pas compte à l’époque parce que nous étions jeunes et innocents, mais maintenant avec le recul, je réalise que l’on a fait des trucs vraiment bien à un bon niveau international
.
Ensuite, il s’investira beaucoup plus dans les activités d’enseignement. En 1987, c’est une nouvelle aventure, sous l’impulsion de Jean-Loup Chenot, nommé directeur du CEMEF en 1979, avec la création du Mastère Spécialisé Matériaux et Mise en Forme (MATMEF) dont il prend la responsabilité.
Sa conclusion tient en une phrase :
La culture CEMEF a vraiment pris corps à Sophia Antipolis, avec un esprit pluridisciplinaire animant les jeunes chercheurs que nous étions, reprenant à notre compte la fertilisation croisée tant mise en avant par Pierre Laffitte.
Cette culture et cette force sont toujours présentes dans la dynamique de centre aujourd’hui.