1988 : 1er prix de thèse

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Nouvel article dédié à une première.

Après la soutenance de la première thèse, l’arrivée de la première doctorante, la première récompense à un chercheur, voici le premier prix de thèse CEMEF.


En 1988, Noëlle Billon reçoit le prix de thèse de la SFIP pour sa thèse soutenue l’année précédente sur la modélisation des cinétiques globales de cristallisation des polymères.


Le billet a été rédigé par Noëlle Billon. Voici son histoire… Comme elle le dit : Histoire d’un petit moment, un petit moment d’Histoire. Sans raconter d’histoire, histoire de dire l’Histoire seulement, même si c’est la petite.

Bonne lecture.

Prix_NB_trophee.gifEn 1988 pour la première fois au CEMEF, parait-il, une thèse recevait les hommages d’une société savante. L’Histoire retiendra que c’est la mienne (non, pas « c’était », je l’ai toujours). Arrivée au CEMEF en 1983, je soutenais « dès » 1987 mon traité sur la “Modélisation des cinétiques globales de cristallisation des polymères. Application aux procédés de mise en forme”. Travail mené au sein du groupe Historique CES (Cristallisation et Etudes Structurales) sous la houlette de J.M. Haudin.

Profitons de l’occasion pour corriger une erreur souvent faite quant aux significations de l’acronyme. Non, il ne s’agit pas du groupe hystérique Course en Sac de la Caisse d’Exploitation de la Méthode des Eléments Finis. Excusons ces sources, pourtant autorisées, mais mal informées. La faute aux soirs de déprime dans la salle info quand le pointeur vert fluo clignotait lentement sur l’écran vert mat juste en-dessous du barbarisme supposé indiquer que nous aurions vivement souhaité que le ch’tit ordinateur, qui occupait toute la pièce d’à côté, accepte enfin de cracher (crasher ?) une réponse.

Mais nous parlons là d’un temps que tant de gens de moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Un système de calcul qui crashe qui croirait cela !

L’œil averti, empreint du souci du détail, aura noté : 4 ans !

Quatre ans, c’est long même si ce n’est qu’un dixième de l’âge canonique du laboratoire !

Un peu élastique la durée en ces temps reculés, mais une fois sortie de la piscine, les haltères ont été lourdes et le temps filait entre les doigts. Pourtant, globalement la cinétique a été un modèle. Un peu d’énergie dans les équations, un peu de pascal, de GSphigs et autre langage d’avenir qui va s’imposer (merci Serge) et malgré la densité de la probabilité nous avons procédé dans un volume limité. Rien n’a été instantané, et, pas instantanné (tu vois Jean-Marc je me souviens!). Nos automates cellulaires, pas encore baptisés, généraient de merveilleux dessins sur des imprimantes : …….tac….tac,….., reeeeeeeeeeeetactatactactac,…, tac, frrreeeeeeeeeeeeeeep………..

“Maikessequellerakompte ?” Après une première année consacrée à la réticulation des polyéthylènes par voie silanique en piscine tiède, le travail se réorientait vers la cinétique de cristallisation. Le filage textile fut notre terrain de jeu pour tenter une prédiction des effets d’accélération liés à l’écoulement à l’aide d’un modèle statistique d’haltères élastiques. Au passage nous mettions à plat les théories de cinétiques globales leur implémentations dans un calcul simple et leur identification. Ce dernier point nous incita à prendre en compte la réalité des mesures : épaisseur des échantillons, contact avec l’outillage et transcristallinité. Voilà pour le sujet !

En 1988 nous obtenions le prix de thèse SFIP pour l’enseignement supérieur.

Prix_NB_logo-sfip.png SFIP ? Sucre et Farine Incorporables en Pâtisserie. Non, nous ne sommes pas à l’école Hôtelière ! Société Française des Ingénieurs du Plastique. Le premier prix de thèse obtenu au CEMEF, donc, et hasard de l’Histoire ……….. à une femme !

”Car oui, il me vient l’envie de ne pas parler science et de laisser échapper juste deux mots pour mes sœurs et frères de combat. Parce que, quand même, la vie dans notre pays de cocagne ne fut pas un long fleuve tranquille jonché de pétales de roses arrosées d’une fine rosée matinale bienfaisante pour tous et toutes. Bien sûr, bien sûr, la rose n’a d’épine que pour celui (celle) qui prétend la cueillir, et nous avons prétendu « bien fait pour nous » en somme.”

Flashback un peu lointain par respect pour nos anciennes :

1924

Uniformisation des programmes scolaires masculins et féminins et création d’un baccalauréat unique

1932

Ma maman voit le jour. Elle, elle ne l’aura pas son bac. Pas de chance, il a bien fallu la retirer de l’école à 16 ans pour la placer bonne. Elle aimait l’école pourtant, mais fallait payer les études de ses frères, des garçons eux. Et oui, les soutiens de famille, tant la femme ne pouvait rien soutenir, si ce n’est des opinions ridicules quand elle dépassait la mesure et s’exprimait à voix haute. L’Histoire racontée par les uns constitue parfois les souvenirs des « unes ».

1938

Suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée

1944

Droit de vote et d’éligibilité pour les femmes

1946

Suppression de la notion de « salaire féminin »… Notez, nous y reviendrons, on a supprimé la notion.

1956

Prix_NB_baby.gifBen coucou me voilà, petit bébé, un peu prématurée, mais bébé en or. Vous en rêvez tous et toutes : mange, dort, mange, dort, mais … une fille. La première de ma mère quand même.
Déjà première ! Comme quoi l’atavisme…

1965

Les femmes mariées peuvent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari.

Intégrez bien, la date et l’objet. Un homme marchait sur la lune le 21 juillet 1969. A 4 ans prés, s’il avait été français, il aurait dû signer une autorisation pour sa femme avant de monter dans la capsule. Vous imaginez le dialogue : « allo allo Houston ici le module lunaire. Oui, bon désolé les gars (forcément !) je suis parti un peu vite ce matin, dites à ma femme que l’autorisation est signée elle est sur la commode de la chambre, sous la photo de grand papa et qu’elle pense à me repasser ma chemise jaune, moins d’amidon au col cette fois ! A vous ».

A vrai dire à l’époque cela ne m’a fait ni chaud ni froid. Ma maman, par contre, a respiré pour moi et ma sœur. Peut-être un mot de plus pour les plus jeunes. « Les femmes mariées » et oui, les autres étaient soit les « filles de » soit « des filles de rien ». Elles n’existaient pas.

1972

Reconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal ».

Notez la prudence: on n’a juste reconnu le principe qui devait passer par là par hasard. Et salut « principe » coucou je te connais non ? Et là le principe se retourne « You’re talking to me ? ».

1972

L’école polytechnique devient mixte : 8 femmes sont reçues

Qu’est-ce qu’ils en ont causé les mecs ! Et que je te théorise sur les différences z’intellectuelles pour arriver à la conclusion que oui, mais oui, mais oui, une femme peut sans doute AUSSI faire de brillantes z’études. Attention, pas être brillante, il ne faut pas pousser quand même, un chromosome reste un chromosome, elles, elles sont travailleuses, courageuses même. Peu importe, C’EST BIEN, pour une femme, de faire des études, mais « n’y perdra-t-elle pas toute CHANCE de se marier ? D’ailleurs, à bien y regarder, n’y a-t-il pas que les moches qui font des études ? » (SIC, bien sûr je ne revendique pas ces propos Historiques, hystériques ?)

Moi perso, jeunesse immature, je trouvais que le costume était bien cher payé cette chance d’entrer à polytechnique et qu’Anne ne respirait pas la joie de vivre. De plus, on ne la laissait pas causer. Les mecs, surtout ceux qui n’auraient jamais pu rentrer à polytechnique malgré leur capacités de souteneurs (de famille bien-sûr !), y savaient mieux quoi dire sans doute.

1974

Françoise Giroud première secrétaire d’état à la condition féminine

Belle invention, c’est vrai que nous étions reconnues (comme les principes et les notions peut-être) pour notre capacité à soutenir (-) des conditions inacceptables et incompréhensibles. De quoi nous plaignions nous?

Moi j’ai mon bac, pas brillamment pour l’époque, il faut bien le dire. Mais quelque chose comme 150 000 bacheliers au bac général cette année-là. J’ai donc fait mieux que 150 001ème. C’est bien ! 150 000 garçons et filles confondus, car il n’y a qu’un bac mais deux catégories de bacheliers. Quand la société décidé d’aller vite, elle prend son temps !

Le 5 juillet 1974, la majorité passe de 21 ans (depuis 1972) à 18 ans (même pour les filles).

Septembre 1974 Je pars à l’IUT. L’IUT un grand moment de 2 ans à peine, 70 entrants, 50 sortants. 5 filles. Elles, elles sont toutes entrées et sorties dans la première moitié. Voyez comme elles étaient courageuses.

1976

La mixité devient obligatoire pour tous les établissements scolaires publics Alors là, ma chance, j’ai échappé au pire, sérieux les filles on apprend tellement mieux hors de portée de la testostérone même balbutiante. Si vraiment il fallait supprimer quelque chose dans l’égalité des chances c’est la mixité des écoles primaires, collèges et lycées ! Je leur concède les maternelles et le supérieur.

2000

Mise en œuvre d’une politique globale d’égalité des chances dans le système éducatif

Ben si mes ainées avaient attendu…

Prix_NB_ID3.png Merci mes ainées ! Et mes cadettes, goûtez votre chance d’être ici mais ne lâchez pas ! Le moyen-âge sociétal c’est lourd, même avec des robots ménagers, des machines à laver et des CB à notre nom. J’imagine que le téléphone portable et les tablettes n’aideraient pas. Ouverture sur le monde ? A qui veut-on faire croire cela ? Au moins au temps des cabines et des magasins aux coins de la rue, cela donnait une opportunité à certaine de prendre l’air. Voilà un moment d’Histoire, être la « première à » peut simplement participer à « cesser de ne pas être » …..

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